Tribune : Paris, décrétons l’urgence du droit au logement !

La capitale se vide de ses classes populaires. Les candidats de la liste «Décidons Paris», notamment soutenue par La France insoumise, incriminent la majorité présidentielle qui casse le logement social et une équipe municipale loin d’être à la hauteur.

Qui peut encore vivre à Paris ? La question ne s’est jamais posée avec autant d’acuité qu’aujourd’hui. Le marché immobilier parisien est devenu un processus d’exclusion sociale. En vingt ans, le mètre carré a augmenté de 248% pour atteindre 10 000 euros. En 2018, les employé·e·s et les ouvrier·ère·s, qui représentent environ la moitié de la population française, ne constituaient que 26% de la population parisienne, alors qu’ils étaient encore 35% il y a vingt ans. Les loyers ont suivi le prix d’achat, privant en bout de chaîne les plus pauvres du droit fondamental d’avoir un toit sur la tête. 3 600 personnes au moins, dont de nombreux enfants, dorment à la rue et il n’y a jamais eu autant d’expulsions locatives.

Pire encore, la ville de Paris est hors la loi dans sa politique d’attribution des logements sociaux. Selon le récent rapport de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme), si dans les «quartiers de la politique de la ville» [politique de cohésion urbaine et de solidarité envers les quartiers les plus défavorisés, ndlr], elle atteint les objectifs d’attribution de logements pour les revenus plus confortables, dans ceux qui ne sont pas catégorisés «politique de la ville», seules 8% des attributions de logements sociaux bénéficient à des familles pauvres, au lieu des 25% visés ! Il s’agit donc d’une politique délibérée d’exclusion sociale.

 

La capitale se vide

Dans cinq ans, restera-t-il des ouvrier·ère·s, des employé·e·s, des enseignant·e·s, des infirmier·ère·s, des policier·ère·s, des technicien·ne·s capables d’habiter à Paris ? Chaque année, Paris perd ainsi 12 000 habitant·e·s. La capitale se vide peu à peu de ses forces vives, de celles et ceux qui font la ville au quotidien.

Face à cette hémorragie désastreuse, la majorité municipale se cache en rejetant la faute sur l’Etat sans engager le rapport de force, ou bien ne réagit tout simplement pas. Par exemple, selon l’étude de l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV), depuis le 1er juillet –retour en vigueur de l’encadrement des loyers – une annonce de location sur deux serait illégale. Or pour y remédier, la seule solution proposée par l’adjoint au Logement est de faire signer une charte non contraignante aux agences immobilières pour les engager à ne pas publier d’annonces illégales. Ce pseudo-dispositif serait assorti d’un référendum plébiscitaire en 2022 pour savoir s’il faudra poursuivre l’encadrement des loyers… Mais comment croire un seul instant que l’accompagnement des locataires sans aucune contrainte et contrôle supplémentaire sur les propriétaires puisse avoir un quelconque effet ? Quand on se reconnaît irresponsable, on ne candidate pas aux responsabilités !

En finir avec la spéculation immobilière

A Paris, le logement est devenu une marchandise purement spéculative livrée aux banques et aux multinationales rompues à la privatisation de l’espace public dans la liberté la plus totale. Contre Airbnb, sponsor des Jeux olympiques voulu par la maire, l’exécutif ne mobilise qu’une trentaine d’agents pour tout Paris afin de contrôler les locations saisonnières. Bien entendu, c’est un échec et Airbnb continue de faire florès auprès des multipropriétaires en participant à augmenter le nombre de logements vacants. Au lieu de vouloir à tout prix une police municipale, l’exécutif ferait bien de se préoccuper enfin de la police du logement !

 

Une élite de plus en plus riche cherche à en faire son privilège exclusif. Les responsables d’une telle situation sont connus. Ce sont les grandes banques, assurances et autres multipropriétaires qui laissent vides 17% des logements. C’est aussi la gestion socialiste, en (ir)responsabilité depuis dix-huit ans, très loin d’être à la hauteur de la catastrophe. Mais c’est aussi la majorité présidentielle qui casse le logement social avec la loi Elan, validée par Villani, que les projets du gouvernement n’ont jamais dérangé. Les futurs responsables, ce sont aussi Griveaux ou Dati, les autoproclamés «champions de la classe moyenne» qui défendent la privatisation des logements sociaux et les ghettos de riches.

Porter enfin le logement pour tou·te·s

Nous devons lancer une guerre totale pour le droit au logement dans la capitale. Pour le Paris que nous aimons, c’est une question de vie ou de mort. Berlin a diminué les loyers, pourquoi pas Paris ?

– Nous proposons un référendum pour engager le bras de fer avec le gouvernement et exiger que Paris obtienne la compétence de réquisitionner les logements vides et de permettre un encadrement des loyers à la baisse.

– Il nous faut multiplier la production annuelle de logements sociaux pour atteindre un objectif de 10 000 logements par an. Soustraire ces logements à la folie spéculative, ce n’est pas créer une pénurie, c’est réaffirmer le droit à la ville. 70% des Parisien∙ne∙s sont en droit de bénéficier d’un logement social.

– Utilisons de manière systématique le droit de préemption pour racheter les logements vendus en bloc et les sortir de la spéculation, c’est-à-dire en les conventionnant HLM.

– Nous devons urgemment adopter un arrêté anti-expulsion pour protéger les locataires sans solution de relogement.

 

Seules des mesures drastiques peuvent ramener le marché parisien à la raison. L’éradication de la spéculation immobilière doit être mise à l’ordre du jour pour qu’à nouveau Paris puisse vivre.

Signataires : Danielle Simonnet et Vikash Dhorasoo, binôme candidat «Décidons Paris» à la mairie de Paris ; Danièle Obono, députée La France insoumise de Paris ; Leila Chaibi, députée européenne La France insoumise ; Hedi Reghioui, militant associatif et binôme tête de liste Décidons Paris dans le Ve arrondissement ; Jean-Pierre Coulomb, membre fondateur du collectif logement Paris 14 ; Fiona Robert, militante pour le droit au logement ; Colin Debroise, urbaniste et co-référent du groupe Logement à Décidons Paris ; Antoine Salles-Papou, rapporteur du livret logement de La France insoumise ; Yoan Pinaud, organisateur de l’Alliance citoyenne d’Aubervilliers ; Manuel Menal, administrateur territorial ; Sarah Legrain, tête de liste dans le XIXarrondissement pour Décidons Paris.

Tribune initialement parue sur Libération ici